En Ariège, le DASEN (directeur académique des services de l’Éducation nationale) demande aux IEN (inspecteur de l’Éducation nationale) et chefs d’établissement de ficher les bons et mauvais enseignants et AESH (Accompagnant des élèves en situation de handicap) pendant le confinement, estime l’intersyndicale
L’intersyndicale de l’Ariège, après avoir pris connaissance d’un mail de Monsieur l’Inspecteur d’Académie de l’Ariège à destination des IEN et chefs d’établissement du département, dénonce une tentative scandaleuse de fichage des bons et mauvais enseignants, à contre-courant des discours ministériels lénifiants. » Ce mail témoigne d’un désir de surveillance institutionnalisée au mépris du droit au secret médical et à la confidentialité. » explique l’intersyndicale dans un courrier envoyer au DASEN le 22 avril
Voici le courrier
Monsieur l’Inspecteur d’Académie,
Nos organisations syndicales ont été alertées sur le contenu d’un courriel émanant de vos services et à destination des IEN et chefs d’établissement de l’Ariège. Renseignements pris, ce courriel du 17 avril n’est pas un faux, contrairement à ce que nous avons d’abord légitimement supposé.
Dans ce courriel, vous demandez de façon explicite aux IEN et chefs d’établissement d’établir une liste de nos collègues afin de « garder mémoire nominative des engagements remarquables et remarqués ; l’inverse est aussi vrai… ». A propos des AESH spécifiquement, vous demandez « à être le plus exhaustif possible sur votre connaissance et votre vigilance sur la situation et l’implication de chacun. »
Si nous pouvons imaginer que, pour permettre l’indemnisation des enseignants ou des AESH qui se sont portés volontaires pendant cette période et uniquement pour cela, vous conserviez temporairement leur nom, nous n’acceptons pas « l’inverse ». Qu’est-ce que cela peut signifier ? Qu’il y a eu de bons enseignants pendant la période, et les autres ? Ceux qui ne se sont pas portés volontaires pour garder les enfants de soignants ? Ceux qui n’ont pas bien télé-travaillé ? Faudra-t-il que chacun vienne maintenant se justifier en face de vous ? Celui qui ne s’est pas porté volontaire parce qu’il gardait ses enfants à la maison, ses parents âgés, parce qu’il souffre d’un problème de santé ? Qu’en sera-t-il des autres, des « inversés » qui refuseront de se justifier ou de rompre le secret médical auquel ils ont le droit, même en période d’épidémie ?
M. l’Inspecteur, involontairement ou pas, votre formulation « l’inverse est aussi vrai » et ses points de suspension jettent la suspicion sur les agents qui ne vous paraissent pas assez zélés. Or la pandémie n’a pas aboli le droit au secret médical ou à la confidentialité. Quant au télé -travail, il ne peut être basé que sur le volontariat, l’employeur prenant en charge « le coût des matériels, logiciels, abonnements, communications et outils ainsi que de la maintenance de ceux – ci. » Dans ces conditions, il est impossible et donc dangereux de demander aux IEN et aux personnels de direction de lister les agents pour qui « l’inverse est vrai ».
Monsieur l’Inspecteur, en ces temps troublés d’état d’urgence toujours prorogé, de crise sanitaire, de restrictions encore jamais vues des libertés publiques, nous ne pensons pas que ce soit le bon moment pour créer encore de nouveaux fichiers de renseignements des bons et des mauvais enseignants. Nous nous étonnons d’ailleurs que vous puissiez demander une telle chose aux IEN, chefs d’établissement et aux cadres de l’éducation, et qu’aucun n’ait cru bon de réagir publiquement. Nous ne pouvons que constater le fossé entre d’un côté le discours ministériel lénifiant de la « bienveillance » et de la « confiance », et de l’autre la surveillance institutionnalisée. La période est propice à toutes les dérives, de la tentation de céder aux sirènes du tout-numérique avec les risques de destruction de la vie privée que cela implique, jusqu’à la délation. Nos organisations syndicales resteront extrêmement vigilantes sur ce point, et nous alertons immédiatement le plus largement possible nos collègues et nos concitoyens.
Pour toutes ces raisons nous vous demandons d’envoyer aux destinataires de votre courriel un rectificatif annulant clairement ces demandes, et nous vous saurions gré de nous en informer.
Nous vous prions d’agréer, Monsieur l’Inspecteur d’Académie, nos salutations syndicales.
Pour les organisations en en-tête,