Début janvier je vous avais promis de commenter le dernier roman de Michel Houellebecq que je n’avais pas encore en main et dont la presse faisait la promotion comme s’ils n’avaient rien d’autre à se mettre sous la dent.
Parlons en premier lieu de l’objet livre. C’est un très bel objet, superbement emballé avec une couverture cartonnée, doublée, épaisse, cossue, son titre rouge sur fond blanc est d’une grande classe chez Flammarion, le papier est très agréable et fait pour vieillir, il comprend 730 pages d’histoire et cet aspect particulièrement soigné et réussi va plaire aux amoureux des livres. Enfin moi il me plait.
Venons-en au contenu.
J’ai du mal à comprendre cette propagande de presse qu’il y a eu autour de ce livre avant sa sortie où il n’était question que de son contenu politique. Je ne comprends pas sinon d’en faire une opération commerciale qui aguiche … quand on constate que ce n’est pas l’essentiel du livre ; même si le descriptif de la sphère politique qu’il fait est assez représentatif de ce milieu. Sur ce thème j’ai lu avec attention son passage sur les motivations de nos dirigeants, et il prend comme références différents modèles, dont certains rois de France, et de la distance que les dirigeants d’état prennent avec leurs administrés pour assoir leurs décisions. Cela ne peut que se rapporter à la gestion de la crise sanitaire que nous traversons ! Et j’ai senti qu’à ce niveau-là il n’est pas spécialement tendre, même si lucide.
L’intrigue autour de cet écheveau politique, certes bien ficelée, avec une projection sur le futur qui reste à confirmer déjà cette année, sert essentiellement à cerner le personnage central, Paul, dans sa position sociale. Il permet à certains moments d’intégrer la question de la probité et de ses conséquences. Mais passons, chacun se fera son idée sur ce point.
Ce qui me parait plutôt bien mené, outre le fait que l’écriture de Michel Houellebecq est très agréable, c’est le travail qu’il fait autour de la vie, de l’amour, de la mort. L’essentiel de sa démonstration parle de la fin de vie dans le monde occidental et particulièrement en France. Il nous emmène dans les hôpitaux, les EHPAD, nous rappelle la réalité économique de ces lieux, nous démontre également notre dérive occidentale quant à la proximité de la mort et les moyens démesurés qu’il faut aujourd’hui pour finir les jours chez soi. Ici se croise la question de la structure familiale, sa place dans le cours d’une vie et le rôle que l’amour peut remplir dans tout ça.
Là où certains ont vu une juxtaposition de thèmes abordés, j’y ai trouvé une analyse de notre société concernant notre regard sur la famille, l’amour, la mort, plutôt juste.
Je rajouterai que ce coup-ci il s’est abstenu de scènes de sexes voyeuristes, parfois hors sol, pour nous servir quelques moments érotiques particulièrement réussis et d’autres assez hilarants. Mais l’amour fonctionne-t-il sans le plaisir ?
Assurément un livre qui fait date dans l’œuvre de Houellebecq, tendre, délicat et mélancolique, en tous cas son livre le plus sensible.
Par Dominique Mourlane,
libraire au Relais de Poche à Verniolle