Nancy Huston est une auteure prolixe canadienne installée à Paris depuis les années 70. Elle a été récompensée de multiples fois pour ses romans. Elle écrit également des nouvelles, des essais, des livres pour enfants, des ouvrages illustrés (en particulier avec le peintre Guy Oberson), elle pratique des concerts littéraires (étant également musicienne) et a écrit deux scénarios de film (Voleur de vie et Emporte-moi) et quelques pièces de théâtre.
En tout état de causes, une écrivaine qui m’a toujours attirée et que je lis chaque fois avec plaisir et qui a mon sens est la digne successeur (étrange qu’il n’y ait pas de féminin pour ce mot) de Virginia Woolf.
Nancy Huston étant prolixe et l’actualité se bousculant, vous aurez droit à deux parutions pour le prix d’une : un essai avec « Je suis parce que nous sommes » et « arbre de l’oubli » son dernier roman qui vient de paraitre.
Je suis parce que nous sommes. Titre issu de la sagesse traditionnelle bantoue, dont Nancy Huston s’inspire pour nous offrir son dernier opus qui n’est ni un roman, ni un essai. Ce sont les chroniques de son premier confinement au printemps 2020, entre la Suisse et la France.
Elle nous livre avec cet ensemble de 18 courts textes, une lecture de ce monde, où, sous une forme littéraire qui m’a toujours plu chez elle, elle retrouve les réflexions plus politiques ou sociologiques d’une Naomi Klein ou d’une Vandana Shiva. Cette pause confinée, qu’elle a mis à profit pour réfléchir sur son parcours, sur ses convictions profondes, ses contradictions, nous renvoie, me renvoie, à nos propres questions sur la folie de la course en avant de ce monde auquel nous participons.
Elle résume ce que la réflexion collective a su mettre en avant à l’issue du premier confinement et que nous avons su taire rapidement pour reprendre notre routine quotidienne … même entravée. Elle nous rappelle simplement que nous aurions un intérêt urgent et supérieur à préserver notre Terre.
Je n’ai pu m’empêcher d’en lire un chapitre à ma famille : Chair fraîche, où il est question d’hamburgers et de prostitution. Ou autrement dit d’abattage.
Ses textes sont illustrés par les lavis réalisés par Edmund Alleyn de ses 15 dernières années de vie. Elle a choisi les œuvres de cet artiste peintre qui indiquent la symbolique des mutations dues aux développements technologiques et qui parlent de la pluralité des cultures. Un très beau complément à ses textes de réflexion.
Arbre de l’oubli, un roman virtuose qui s’étale sur trois générations entre 1945 et 2016. Une histoire qui parait compliquée au début, dans ses aller-retour, l’installation des personnages, mais qui se construit comme un puzzle pour nous donner l’image humaine de la fin.
Comme toujours Nancy Huston explore notre siècle, ses contradictions et ses travers. On peut ici noter pèle-mêle le féminisme, la procréation, le racisme, le genre, la laïcité … et peut-être un ou deux sujets que j’ai pu rater.
Ce roman, combien psychologique, montre l’enfermement de nos comportements, notre existence à partir du conditionnement et des situations de la petite enfance, voire de l’enfance.
Nancy Huston, à petites touches, toutes en douceurs, nous montre comment le déterminisme peut être aussi dépassé.
Encore une fois, elle touche juste. En tous cas ce qu’elle écrit me touche.
Mais suis objectif ?