Monsieur le Directeur Général,
Foix, le 9 août 2019
La présence des ours réintroduits par l’Etat et leurs prédations quotidiennes génère en Ariège, et de façon croissante d’année en année, une situation devenue insupportable pour les éleveurs.
Etablissement public de l’Etat en charge de la réintroduction des ours, du suivi de la population, de la police liée à la protection de cette espèce, mais également de l’expertise de ses dégâts, l’ONCFS constitue la principale interface de l’Etat avec le terrain et les éleveurs, en particulier du fait de sa mission d’expertise suite aux prédations.
De fait la responsabilité de votre établissement public et de ses agents est majeure pour apporter à ceux qui subissent la présence de l’ours, la compréhension et l’empathie nécessaires dans des situations de souffrance. Dans le contexte explosif qui est aujourd’hui le nôtre, tout écart de l’un de vos agents, toute provocation ou acte vécu comme tel, constitue un détonateur puissant de la colère du monde de l’élevage et du pastoralisme.
Or nous avons à déplorer depuis quelques semaines plusieurs incidents que je considère inadmissibles de la part d’agents d’un établissement public :
- Lors d’une expertise, vos agents ont soutenu à un éleveur que vu le montant des subventions versées par la PAC, nous ne devrions pas nous plaindre de la présence de l’ours. Ces allusions à la politique d’appui à l’agriculture témoignent, dans le meilleur des cas, d’une ignorance crasse des ressorts et logiques qui ont prévalu à la mise en place ces politiques agricoles depuis plus d’un demi-siècle, et de la réalité des revenus agricoles finaux des éleveurs…
- A propos de l’incendie d’un véhicule de l’ONCFS, acte pénalement répréhensible que je ne cautionne pas, votre directeur régional, à l’occasion d’une interview dans le journal Le Monde publiée le 31 juillet dernier, a accusé les éleveurs d’avoir commis cet incendie. Cette accusation, qui nie la procédure judiciaire en cours, qui nie toute présomption d’innocence, est parfaitement irresponsable en ce qu’elle contribue à attiser les tensions entre votre établissement public et les éleveurs.
- Nous retrouvons régulièrement sur internet ou sur les réseaux sociaux des commentaires vindicatifs vis-à-vis des éleveurs. Virulents mais souvent mal informés de la part d’un grand nombre, certains d’entre eux sont par contre très bien renseignés, parfois même avec des détails de certains dossiers, de certaines procédures, qui ne peuvent que nous interroger sur le respect de la confidentialité des dossiers individuels traités par vos services.
- Le mardi 6 août, sur le parking de la Chambre d’Agriculture de Foix, l’un de vos agents est venu, devant témoins, provoquer verbalement un éleveur qui avait subi récemment une grave prédation. Approchant son visage à quelques centimètres de celui de l’éleveur, votre agent, sourire en coin : « Alors Monsieur, la vie est belle ? », puis continuant d’apostropher son interlocuteur sur les primes PAC, les véhicules tout terrain des éleveurs, etc. … S’en est suivi une altercation heureusement restée verbale.
Ce dernier fait, grave dans ses attendus comme dans les conséquences qu’il aurait pu avoir, témoigne :
- soit d’un écart coupable d’un agent isolé qui « a pété un plomb » et pour lequel il vous appartient de prendre les mesures qui s’imposent,
- soit d’un état d’esprit et d’une posture généralisés de vos équipes, qui cultiveraient la distanciation plus que la compassion, le corporatisme plus que l’empathie, se retranchant derrière un rôle de police là où le contexte exige un rôle d’accompagnement.Dans ce contexte, je me permets de demander, à nouveau, que vous vous départissiez de la mission d’expertise des dégâts suite aux prédations, et que celles-ci soient confiées à un autre corps d’Etat, évitant ainsi toute confusion avec vos rôles premiers de police, de protection des ours, et de suivi de leur population.Restant à votre disposition pour toute précision, je vous prie d’agréer, Monsieur le Directeur Général, mes salutations distinguées.
Le Président de la Chambre d’agriculture,
Philippe LACUBE.
Le Président de la Fédération Pastorale,
Alain SERVAT.